Le meuble aux secrets

J’ai passé trois ans à rénover un bureau Premier Empire qui lui m’a réservé des surprises jusqu’au dernier moment.

J’en suis sûr : des meubles comme ça je n’en croiserai pas deux dans ma carrière. J’ai gardé en convalescence pendant trois ans un bureau cylindre surmonté d’un haut secrétaire du Premier Empire.

Ce meuble imposant (2,20 m de haut, 1,45 m de large et 78 cm de profondeur) est en acajou incrusté d’ébène avec des parements en bronze doré. Voilà pour l’extérieur. Mais ce sont finalement ses entrailles qui font tout l’intérêt de ce meuble de famille.

En trois ans de travail de rénovation, j’ai pris le temps de l’explorer, le démontant entièrement pour le scruter sous toutes ses coutures. Doucement, patiemment, le bureau m’a livré ses secrets.

Cette antiquité a justement été faite pour les secrets. Maintenant que sa rénovation est terminée, j’ai compté environ 35 tiroirs secrets et cachettes en plus des tiroirs apparents.

Jusqu’à la fin il m’a surpris. En le vernissant, je constate qu’une baguette du flanc bouge. Je me disais que j’allais devoir la recoller. Une simple pression sur une extrémité de cette baguette et c’est un deuxième écritoire caché qui apparaît.

Dès le départ, j’avais repéré quelques astuces : le tiroir situé tout en haut dans la corniche (la serrure est dissimulée dans un parement en bronze), les rideaux en bois du haut secrétaire qui s’ouvrent latéralement. Dans les meubles secrets, ce sont souvent les mêmes astuces qui reviennent. Mais l’artisan qui a fabriqué ce meuble est allé loin : ce sont des petits tiroirs conçus dans les pilastres entre les portes vitrées, c’est encore une porte vitrée qui se démonte pour permettre l’ouverture d’un tiroir secret.

Souvent, en démontant le meuble, je remarquais un mécanisme, le tout était ensuite de découvrir la cheville où le bouton sur lequel il fallait appuyer. Tous les mécanismes étaient défaillants donc il a fallu que je fasse de la serrurerie. D’ailleurs je me suis aperçu que l’intérieur des serrures est chanfreiné c’est-à-dire que les serrures ont une décoration à l’intérieur, qui ne se voit pas.

Les tiroirs secrets étaient apparemment tellement secrets que je n’ai rien trouvé à l’intérieur, juste de la poussière très ancienne. Ce meuble est sans doute de facture austro-hongroise, inspiré des « maréchaux d’Empire ». En revanche, cet incroyable bureau n’a pas encore tout dit. Malgré une inspection minutieuse, je n’ai trouvé aucune estampille.

Cet article a paru dans Presse Océan

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